« Bâtisseurs d’espérance », le nouveau livre de Cyril Tisserand

batisseursDans Bâtisseurs d’espérance (1), Cyril Tisserand raconte le parcours qui l’a conduit, motivé par la foi et le désir de protéger les plus démunis, à fonder le Rocher Oasis des Cités, porté par la Communauté de l’Emmanuel. Interview.

> Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Avant tout pour rendre gloire à Dieu et témoigner de la puissance du souffle de l’Esprit Saint dans nos vies. De la naissance de l’intuition à la fondation du Rocher, c’est bien de cela qu’il s’agit !

Je cherchais depuis plusieurs années comment je pourrais aider les jeunes et les familles de cités que je fréquentais, et, en 1997, alors que j’accompagnais une cinquantaine de jeunes adultes du Val-Fourré aux JMJ de Paris, Jean-Paul II appela tous les jeunes à « bâtir la civilisation de l’amour ». Je compris alors comment nous pouvions devenir les instruments de cette transformation vitale : En nous mettant au travail au lieu de prendre la fuite, en allant à la rencontre du peuple de cité. L’aventure du Rocher commença. J’avais à cœur que ce livre soit facile à lire pour tous, et de fait, de nombreux jeunes me contactent via les réseaux sociaux pour me dire qu’ils l’ont lu ou qu’ils sont en train. C’est une grande joie !

> Quelle est pour vous la principale difficulté que l’on rencontre dans les cités ?

Le problème des banlieues est essentiellement éducatif. J’ai souvent constaté que les habitants de ces quartiers sont « victimisés ». Ils sont aidés souvent en dépit du bon sens et cette forme d’assistanat permet certes de vivre mais tue l’espérance. Comme ce père qui mentait à toute sa famille sur sa situation. Il percevait des allocations chômage tout en faisant croire qu’il travaillait. Il aurait pu être en activité, il avait tout pour être chauffeur de bus, mais il n’arrivait plus à franchir le pas de se mettre à aller vraiment au travail…

Il faut donner aux personnes la possibilité de sortir de leur statut de « victime », c’est-à-dire leur apprendre à refuser la fatalité et à devenir actrice de leur vie, à retrouver le goût de l’effort, les responsabiliser et leur faire confiance. Leur dire : « tu peux y arriver, regarde », et leur donner des modèles, des preuves. Et les exemples au Rocher, en maintenant 16 années, sont nombreux !

Je pense ainsi à John : il a un temps été attiré par les bêtises que ses copains du quartier lui proposaient. Puis, par l’animation de rue, nous avons pu entrer en contact avec lui et l’apprivoiser. Ensuite, par nos visites à domicile, nous avons gagné la confiance de ses parents. Il a commencé à venir au centre de loisirs puis aux camps de vacances. Pas à pas, à travers notre amour et l’exigence de nos repères éducatifs, il a grandi et mûri. Il est aujourd’hui éducateur, marié et père de famille !

Redonnons donc l’espérance que ce « vivre-ensemble », le vrai, est possible ! Cela passera aussi par plus de justice, car sans elle, on ne peut pas réconcilier les communautés.

> Aujourd’hui, quelle évolution voyez-vous ?

Depuis les débuts du Rocher, on constate que beaucoup des habitants qui logeaient dans nos quartiers populaires les ont quittés et- habitent maintenant tous types de quartiers, des centres-villes aux faubourgs riches, des villages. C’est le fruit de réussites personnelles mais aussi la preuve que beaucoup de Français ont généreusement donné et accueilli, pour permettre aux derniers arrivés dans le pays de prendre toute leur place dans la société. Pourtant ce constat extrêmement positif est terni par une montée très forte du communautarisme ethnique, religieux, etc. Certains français qu’ils soient black, blanc ou beur se rétractent, se contractent. Le racisme grandit dans toutes les communautés, les extrêmes en tout genre gagnent du terrain, une forme de peur, de défiance de l’autre s’installe profondément.
En effet, les enjeux de nos cités se retrouvent
maintenant à l’échelle de toute la société, tant géographiquement que socialement. C’est la France toute entière qui doit savoir vivre ensemble, ce n’est plus seulement l’affaire de ceux qui habitent les banlieues.

Par ailleurs, chaque jour nous entendons parler d’une manière ou d’une autre de nos banlieues, de nos religions, de nos communautés : racisme, terrorisme, extrémisme. L’ensemble de ces constats m’ont fait comprendre qu’il faut aujourd’hui transmettre les grâces du Rocher beaucoup plus largement pour que chacun, là où il est, aide à bâtir la civilisation de l’amour. Il nous faut être de nombreux « bâtisseurs d’espérance » ! C’est l’appel et la méthode de ce livre.

Si la tâche semble importante, elle est aussi passionnante. A l’heure d’internet, des paraboles et des voyages facilités, tout ce que nous faisons en France part aux quatre coins du monde. Nous pouvons donc être des missionnaires pour le monde au cœur de cette société française en révolution ! Mais est-ce si surprenant ? Non. N’est-ce pas la vocation de l’Europe ! De la France ! Fille aînée de l’Eglise, et éducatrice des peuples – on l’oublie souvent – a un rôle primordial à jouer pour construire la civilisation de l’Amour. Les grâces du Rocher sont là.

– Et concrètement aujourd’hui, que peut-on faire pour bâtir la civilisation de l’amour ?

Certains entendent un appel radical et consacrent une ou plusieurs années de leur vie à être « missionnaires à temps plein » au Rocher ou dans d’autres œuvres au service des plus pauvres. Pour les autres, ou encore au terme de ces temps particuliers, bâtir la civilisation de l’amour, c’est avant tout décider de commencer là où l’on est, avec notre entourage, nos voisins, nos collègues de travail. “Fleuris là où Dieu t’a planté” : C’est l’appel de tout baptisé !

On peut transposer l’intuition fondatrice du Rocher dans notre vie de simples laïcs. Quelques pistes sont détaillées dans le livre : d’abord, être fidèle à la prière, appeler l’Esprit Saint, notre binôme, quand on passe la porte de chez nous de façon à avoir une ouverture du corps et du cœur à l’autre ; ainsi notre attitude change. Cette « mise en ambiance » m’aide à bâtir des relations vraies, à être plus attentif. Ensuite, se rendre disponible aux imprévus de l’Esprit Saint !

Une autre piste : inviter chez soi, par exemple, des personnes du quartier. Ce geste est déjà une façon de témoigner. On peut très bien croiser son voisin de palier ou son boucher pendant 25 ans, même avec un sourire, sans aller au-delà dans la relation. Prendre « le risque » d’inviter tous ces gens ensemble chez moi a toujours été source de relations vraies et profondes ! On peut aussi aller à la rencontre de nos voisins par le porte-à-porte, soit simplement pour la rencontre, soit pour faire connaître une activité missionnaire. Par exemple, au Rocher, nous organisons régulièrement des repas ‘saveurs du monde’.

En résumé :
1/ je dispose mon cœur et mon corps en appelant mon binôme l’Esprit Saint ;
2/ je décide d’aller au contact des personnes, je me rends disponible à être interpellé ;
3/ je deviens missionnaire de la relation et je la fais grandir. Plus cette relation grandit en amour et en amitié, plus il sera possible d’aller loin dans l’évangélisation !

Pour aller plus loin : voir cette vidéo de KTO

(1) Editions Artège, 2016. Vous pouvez notamment vous procurer ce livre à la librairie de l’Emmanuel

Propos recueillis par Jean-Baptiste Maillard

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